QUARTIER SAINT-MICHEL

Le quartier Saint-Michel offre plusieurs particularités qui fondent son identité si particulière.

Situé en centre-ville, doté d’un patrimoine remarquable, il n’en est pas moins un des quartiers les plus populaires et les plus pauvres de Bordeaux. Il s’articule autour de la place de l’église, lieu collectif et espace public très investi où les différentes origines et générations co-habitent de façon plutôt harmonieuse. Cette place est un haut-lieu de commerce, de part tous ceux qui sont implantés sur son pourtour et les rues adjacentes, mais aussi pour le marché : samedi l’alimentaire, dimanche la brocante, lundi les tissus et les Puces le reste de la semaine. Au bout de la rue Clare, on débouche sur le Marché des Capucins, ancien Rungis bordelais, mais encore aujourd’hui marché au détail principal de la ville, ouvert tous les jours sauf le lundi.

Saint-Michel est quartier d’accueil des populations migrantes. Les Portugais et Espagnols remontant la nationale 10 à la recherche d’emploi sont venus s’y installer au début du XIXe ; les Maghrébins et les Turcs sont arrivés à partir des années 60, et depuis 5-6 ans, ce sont des populations roumaines et bulgares qui s’installent à leur tour. On dit que Saint-Michel est un sas obligé ; même si l’on part ailleurs après, on passe d’abord un an ou deux ici, et l’on peut prévoir les vagues d’immigration sur le reste de la ville un an ou deux en avance en regardant St-Michel.

Chahuts a travaillé sur les mythes du quartier et en a relevé trois :

* le quartier mal-famé, plaque tournante de la drogue et des agressions

* le quartier exotique, où l’on irait boire un thé à la menthe et sentir les épices comme on part en voyage

* le village gaulois, quartier de résistance(s), de solidarité, d’éthique

Comme tout mythe, chacun d’entre eux se base sur un mélange entre vérité et fantasme que chacun-e argumente lors de discussions houleuses, parlant au final beaucoup plus de soi-même et de ses propres valeurs (et en ce qui concerne Chahuts, c’est l’espace exact qui nous intéresse, celui de la sensibilité, loin d’une vérité hiératique et totalitaire).



9 choses grâce auxquelles on sait qu’on est à Saint-Michel :

  1. les enfants qui jouent seuls sur la Place et les mères qui les surveillent des fenêtres
  2. les résidus des Puces qui traînent toute la journée et génèrent un éco-système de ré-utilisation permanent
  3. l’habitude que chacun-e a de se vêtir et se meubler en piochant dans les rues, dans les cartons laissés là à dessein par d’autres habitant-e-s, puis de ré-alimenter la rue avec ses propres fringues un peu passées et ce fauteuil qu’on n’a plus envie de voir.
  4. les artistes et étudiants qui forment une grande partie des habitant-e-s, puisque le quartier est bordé par plusieurs écoles d’art (Conservatoire, Beaux-Arts, Estba) ainsi que l’IUT Michel de Montaigne (journalisme, communication, animation socio-culturelle)
  5. les sens en éveil des odeurs, spécialités culinaires, oreilles à l’écoute des différentes langues
  6. le mélange arty-rock-underground, familles, vieux Arabes anciens combattants ou harkis, étudiants, bourgeois « cools », mendiants
  7. les murs qui parlent : tags politiques, expression artistique, expression tout court
  8. les mêmes airs musicaux de synthé ou violons répétés sans fin pour quelques pièces
  9. la vie, le bruit, les éclats de voix, les petits restos, les bars la nuit, la bière à flots et la plus petite rue de la soif du monde (rue Mauriac)


Les questions qui agitent Saint-Michel depuis de nombreuses années sont celles de la peur de la perte de son identité, du départ des populations pauvres vers d’autres quartiers à cause de la réhabilitation du quartier et de la hausse inéluctable des loyers, en bref, ce qu’on appelle la gentrification.

NB : cette vision du quartier prête sans doute à discussion et controverse puisqu’elle est subjective. Nous ne disons pas qu’elle est juste ; nous disons juste que c’est la nôtre.